06 mai 2009

Hadopi contre Internet

La loi Hadopi est probablement une des lois les plus stupides qui ait été données au parlement d’adopter. Elle contient des dispositions injustes comme, par exemple, la nécessité pour le contrevenant de fournir la preuve de son innocence. Il devra pour cela fournir les données recueillies par le logiciel espion qu’il aura du acheter et installer sur son ordinateur, faute de quoi, si sa ligne aura été piratée ou simplement utilisée par ses enfants, voisins ou amis, il sera puni de n’avoir pas su ou voulu empêcher le drame. La punition ? La coupure de sa connexion, coupure qui n’entraînera pas la suspension des paiements dus au titre de l’abonnement. Car le délit sanctionné n’est pas le téléchargement illégal mais l’absence de sécurisation de l’ordinateur lui-même.
Aujourd’hui le contenu du texte n’est plus vraiment le seul enjeu de la bataille parlementaire puisque la majorité le proclame elle-même : il s’agit juste de laver son honneur perdu un jour d’absentéisme caractérisé, fut-ce au prix d’une loi absurde.
Des artistes de gauche reprochent aux socialistes de n’être plus de leur côté et soutiennent sans critique la pire des réponses à un problème peut-être réel mais certainement mal circonscrit et mal analysé. Ce n’est pas important, c’est juste un des nombreux symptômes qui frappe la gauche française depuis… le Non à l’Europe.
D’autres artistes s’inquiètent du manque à gagner, voir du vol dont ils seraient les victimes du fait de ce qu’on appelle le piratage. Sans être tout à fait certain que ce manque à gagner soit avéré car c’est bien mal comprendre le phénomène du téléchargement que de croire qu’il se substitue simplement à l’achat. Si je suis ce qu’on peut appeler un artiste, je ne suis nullement solidaire de ceux qui défendent cette loi idiote et scandaleuse, quand bien même mes droits d’auteurs seraient mis à mal.
Laissons enfin de côté ce qui dans la loi flirte avec l’appel à la délation en direction des fournisseurs d’accès et, plus amusant évidemment, ce qui est très certainement obsolète sur le plan technique.
Ces aspects ne doivent pas cacher ce qui me semble plus essentiel dans cet épisode effarant.
Cette loi va simplement contre Internet. Contre ce qui faisait, ce qui fera toujours d’Internet une véritable révolution dans la façon dont l’homme accède à sa propre production. Le soi-disant piratage n’est en fait qu’un des nouveaux comportements qui exigerait, non pas qu’on le qualifie de délictueux, mais que soit au contraire repensé un certain rapport au savoir et à la création et à leur diffusion. La défense d’intérêts privés pousse au crime de ne pas réfléchir sur l’évolution du monde. Cette manie de l’interdiction, de la dénonciation, de la sanction collective rappelle l’attitudes de certains maîtres d’école raidis par leur impuissance à évoluer avec la société. Cette loi est le symptôme d’un aveuglement, d’une stupidité archaïque face à l’angoissante vitesse du changement qui s’est opéré depuis quelques dizaines d’années. Aller contre Internet de la sorte, avec le bâton, le casque et les ciseaux, c’est aller contre la jeunesse, l’avenir, l’enthousiasmante créativité qu’Internet a libérée.
Et voilà que nos parlementaires, d’anciens ministres de la culture, le gouvernement français, la France, quoi, s’avance, imbue d’elle-même, certaine de toujours tenir le flambeau de la défense des droits divers, certaine d’être originale, inventive et supérieure, dans son rapport à la culture et à la création, la France donc, vient se ringardiser, tant au niveau technique qu’intellectuel, vient suggérer que désormais le monde peut avancer sans elle, ou plutôt malgré elle. Bref, nous venons aujourd’hui annoncer que nous sommes vieux, fatigués, affaiblis, apeurés mais que – Ô gloire – nous pouvons encore donner quelques coups de matraques.
Cette loi, non seulement ne protège pas les droits des créateurs, non seulement attente à la liberté sous de nombreux aspects, mais surtout agresse voire insulte cette partie de la population qui– jeune peut-être - vit la mondialisation sans états d’âme, celle qui épouse le mouvement de l’histoire avec gaieté, curiosité, effronterie, qui utilise, crée, exploite, détourne l’outil du siècle, la génération de Facebook, YouTube, Deezer et du P2P, celle qui échappe à tant de monde, qui n’est évidemment pas sans morale ni respect malgré ce que suggère Hadopi et qui invente aujourd’hui le monde de demain.