06 décembre 2011

Chronique de la crise (2)

Deux événements depuis le dernier post : la rencontre Sarkozy-Merkel et la "mise sous surveillance négative" de la note des pays AAA de la zone euro, dont l'Allemagne et la France.

La rencontre d'abord. Elle accouche essentiellement d'un projet de traité. Un traité qui devrait obliger les pays de la zone euro à adopter une règle d'or. La règle d'or, en gros, consiste à rendre anticonstitutionnel un certain niveau de déficit public. Si tout se passe bien - ce qui est loin d'être certain - tout ceci ne devrait pas être mis en oeuvre avant plusieurs mois. Mais enfin, on peut imaginer que si tous les pays européens qui vont se réunir d'ici deux jours acceptent ce projet de traité, le message sera lancé aux marchés pour restaurer une certaine confiance.
Il y a une crise réelle et grave. Elle nécessite des réponses fortes et courageuses. Mais on ne peut s'empêcher de penser que cette crise est peut-être en train de sauver Sarkozy. Et le problème, c'est qu'il ne se cache pas d'en jouir. J'en veux pour preuve la politisation systématique de ses interventions, les attaques récurrentes contre l'opposition alors que la situation est très sérieuse. A l'écouter, les socialistes sont responsables de la crise en France. Ce qu'ils ont fait il y a dix ans et ce qu'ils disent aujourd'hui, voilà leur crime. Et en plus, ils ne veulent pas de la règle d'or. Ils seront responsables de l'échec si jamais le nouveau traité n'est pas adopté.
Ça me fait penser à ce qui se passe souvent dans la production cinématographique. Un producteur demande à son réalisateur de revoir son scénario ou ses prétentions de mise en scène parce qu'il ne parvient pas à trouver les financements exigés par le devis. Le réalisateur râle et accuse le producteur de baisser les bras, de ne pas être à la hauteur. Finalement il rompt avec lui et va chercher un autre producteur, refusant de revoir son ambition à la baisse. Le second producteur lui tient le même langage et là le réalisateur est obligé de s'incliner. Résultat le premier producteur a perdu le film qui se fait avec les ajustements budgétaires nécessaires.
C'est ce qui risque de se passer avec Nicolas Sarkozy. A force de ne rien dire de son bilan, d'avoir un discours si manipulateur, et à force finalement de politiser son action, d'instrumentaliser la crise à des fins électorales, le président sortant ne peut plus rien demander aux français. A force d'avoir été et de rester un idéologue il n'est plus en mesure d'obtenir la confiance nécessaire pour entraîner son pays sur la voie d'une douloureuse révision. Il est probable que si la règle d'or doit être votée un peu partout, la France la votera, mais pas sous Sarkozy et pas si c'est Sarkozy qui le demande.
C'est idiot, hein ? C'est la démocratie. Les dirigeants doivent garder la confiance des gens. C'est pourquoi il ne faut pas, même en des temps paisibles, trop exagérer, trop profiter du pouvoir. Parce qu'en temps de crise, on n'a plus trop de pouvoir.

L'action de Standard and Poor's.
Vous aviez déjà entendu parler des agences de notation il y a, disons, un an ? Que se passe-t-il ? Tout d'un coup, elles disent des trucs. Des trucs qui ont des conséquences terribles. Mais avant ? Elles ne disaient rien ou on ne les écoutaient pas ? (je veux dire, nous, les gens, qui ne travaillons pas dans la finance).
Les agences de notation sont là pour dire si celui à qui vous prêtez de l'argent est fiable. S'il a de bonnes chance de vous le rendre. Et donc elle notes les emprunteurs. AAA, c'est la meilleure note. Et donc, quand on est fiable, on emprunte moins cher. Parce que le risque se paie. Si vous prêtez à quelqu'un qui ne fait que jouer au casino, vous avez des chances de ne jamais revoir votre argent. Alors vous demandez cher pour prêter. Vous faites rémunérer votre risque. Donc, si la France par exemple perd son AAA, la meilleure note, elle empruntera plus cher. Et son déficits public se creusera encore plus. Et elle pourra encore moins investir dans des projets d'avenir. Bref,  ça serait un coup dur, même si on estime aujourd'hui qu'elle emprunte à des taux qui de toute façon ne sont plus vraiment AAA. Qu'importe.
Les agences de notation, on les entend parler. Elles ont toujours parlé. Elles ont toujours noté les Etats. Mais maintenant on fait attention. Je me demande quand même si elles ne commencent pas à ne plus se sentir maintenant qu'on les écoute. Elle disent à quelle condition elle pourraient donner une meilleure note.
La donne a changé. La situation a changé. Et donc je crois que le poids d'une agence de notation n'est plus le même. Sa fonction a changé. C'était une expertise. C'est devenu une prophétie, une pression.
C'est la preuve de la perte de souveraineté des Etats due à la mondialisation. La politique ne se décide plus vraiment à l'intérieur. Voir une agence de notation noter les projets de réforme devient réellement embarrassant. On dit : on ne tape pas sur le messager. Mais là, le messager en fait trop. La médiatisation des décisions des agences de notation a un effet. Un peu comme les acteurs qui deviennent célèbres. Souvent ils y croient. Ils sont dupes de leur célébrité. Et ils commencent à faire des choix pour de mauvaises raison.



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