24 février 2012

L'honnêteté ou la victoire ?


C’est bien la campagne électorale, on apprend des choses.
On apprend par exemple que la France s’est trop endettée, au point de ne plus pouvoir dépenser un seul sou. Les nouveautés, il faudra les financer avec des économies.
On apprend également que l’industrie française est quasiment morte, que la France ne produit plus grand chose si ce n’est des services et qu’il n’y a probablement rien à faire à court et moyen terme.
C’est bien parce qu’on ne le savait pas. On ne nous l’avait pas dit.
Alors oui, il y en a un ou deux qui le disaient mais quand tout le monde le dit, à droite comme à gauche, ça devient plus audible. Quand même, on n’est pas sourd. Ce n’est que depuis quelques mois que tout ça est vraiment articulé, montré, démontré.
Evidemment, on se demande pourquoi on ne nous l’avait pas dit avant. Pourquoi, par exemple, le pouvoir actuel, qui est en charge depuis dix ans, ne l’a pas crié haut et fort s’il le savait et pourquoi il ne le découvre que maintenant s’il le ne savait pas.
On pourrait aussi se demander pourquoi l’opposition ne l’a pas dit pendant tout ce temps. Mais il est vrai qu’elle est mal en point depuis longtemps.
Alors comment expliquer ce phénomène ?
Tous les cinq ans nous faisons un bilan à l’occasion de l’élection présidentielle. On arrête la course, l’action et on regarde en arrière puis en avant. En arrière c’est le bilan, et en avant c’est le programme.
Mais que se passe-t-il pendant la mandature ? Le pouvoir avance-t-il tête baissée sans regarder autour de lui ? Il avance, il avance et il ne relève la tête que quand il s’agit de conserver son mandat au moment où il doit être renouvelé ?
Le début du mandat est occupé à faire ce qu’on a dit. Ensuite à essayer d’avancer dans la direction indiquée. Et puis on gère les aléas (les guerres, les crises).
Qu’est-ce qu’on a dit ? Des trucs sur le bilan d’avant (rien ne se passait, il fallait agir, faire la rupture contre Chirac) et proposer un programme (travailler plus pour gagner plus, combattre l’assistanat, l’insécurité, etc.)
Il y a quand même un soucis : ce qui fait le cœur du débat aujourd’hui : la dette, la désindustrialisation, ça ne date pas d’hier. Et donc il faut quand même faire le constat soit d’un aveuglement dû à l’idéologie, soit à de l’incompétence, due à l’idéologie aussi.
Rien ne prouve que l’opposition, menée par François Hollande, soit moins idéologue, c‘est à dire moins aveugle ou moins incompétente.
On imagine aisément Hollande, une fois élu, foncer tête baissée à créer 60 000 emplois dans l’éducation et ne pas relever la tête sur les problèmes qu’on ne verra que cinq ans plus tard.
Mais quand même, d’un côté on fait le constat d’incompétence de l’autre il s’agit au pire d’un soupçon d’incompétence. Le soupçon est préférable à la certitude.
Suis-je injuste, cruel ? Idéologue moi-même ?
Qu’est-ce que la culture du résultat ? Qu’est-ce que la philosophie de la réussite ?
Où sont les résultats comparés aux objectifs ? Sécurité, pouvoir d’achat, rang économique de la France… Où est la réussite ? Chômage, pauvreté, délinquance…
Depuis quand, à droite, estime-t-on qu’il faille excuser l’échec ? Voire le récompenser ?
Alors oui il y a eu la crise…
La France a mieux résisté à la crise. C’est peut-être vrai. Mais c’est surtout dû à la structure de notre système bancaire. C’est à dire que nos banques étaient moins exposées aux produits dits toxiques. Alors c’est vrai que des choses ont été faites. Mais qui ne les auraient pas faites ? Exactement les mêmes ?
Je ne crois pas qu’on puisse imputer à la crise l’échec du pouvoir actuel.

On peut penser que l’opposition, ne sera pas mieux, ni pire, ça sera la même chose. Mais on n’en est pas sûr.
Je trouverais incroyable, inouï, inédit que Sarkozy soit réélu. Je trouverais extrêmement injuste que Hollande ne devienne pas le prochain président de la République.
Ça serait le résultat d’une campagne électorale. C’est à dire d’un combat tactique, d’une propagande habile, d’un discours travaillé comme un slogan publicitaire.
La réussite de l’intelligence politicienne et non pas celle de l’intelligence politique. Le succès du sophiste. Le succès du plus pur cynisme.
C’est contre ce cynisme là qu’il faut également voter.
Car si la politique de François Hollande risque de ne pas être vraiment différente, sur le plan économique et social, de celle de Sarkozy, car la marge de manœuvre du politique aujourd’hui est très réduite, il reste que la campagne à laquelle nous assistons montre une chose : l’image que chaque candidat a de nous.
Et celle que nous renvoie Sarkozy n’est réellement pas glorieuse.
S’il l’emportait, nous serions alors les enfants, les jouets, et les victimes d’une mascarade qui aura définitivement signé l’échec de la pensée et de la politique.
Je pense que notre vote a cet enjeu également. Celui de décider quel peuple on a envie d’être.
Ne nous méprenons pas, François Hollande n’est pas exempt de reproches. Quand il désigne la finance comme son seul ennemi, quand il ne cesse de stigmatiser les « riches » sans distinction, il fait de la politique politicienne lui aussi. Il fait une « campagne de premier tour ».
Chacun sait que s’il ne le faisait pas, il serait pour lui inutile de s’engager dans la bataille. Son sort serait simplement celui de Jospin.
Comme si la gauche n’avait d’autre choix que : l’honnêteté ou la victoire.
Je crois qu’il s’agit de ça aujourd’hui, il s’agit vraiment de savoir s’il ne nous reste plus que cette alternative : l’honnêteté ou la victoire.
Et cette alternative, ce choix forcé, bref cette figure de l’aliénation, c’est bien Nicolas Sarkozy qui nous l’impose.
Il faut la refuser.

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