11 mars 2012

Un bilan déjà désastreux

A quelques heures du désormais fameux meeting de Villepinte, on peut faire un premier bilan de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Avant la campagne, il y a eu la pré-campagne. C'est à dire l'utilisation de la crise financière à des fins électorales. Cette crise a représenté pour le président non déclaré l'espoir d'en finir avec la gauche. Il pouvait, si il était assez habile, tuer la gauche dans l'œuf en présentant et en martelant deux arguments :
- C'est à cause de la gauche qu'il y a la crise.
- Le seul moyen de sortir de la crise est de mettre en place des  mécanismes qui empêcheront définitivement la gauche de s'exprimer en tant que telle, de s'épanouir, bref, de faire une politique de gauche.
Passons sur tout ce que ce discours a pu impliquer de mauvaise foi. Il était tactique. Et il a échoué. Il a échoué parce qu'aujourd'hui peu de gens sont convaincus qu'effectivement la gauche est responsable de la crise, assez peu pour que le candidat lui-même revienne sur son argumentation : le responsable de la crise c'est la finance. Ce n'est pas Hollande qui le dit, mais Sarkozy lui-même. On ne l'entend plus trop mettre en avant la responsabilité de ce qui fait la gauche dans cette crise mais plutôt de ce que la gauche met aujourd'hui en avant, à savoir la finance (quand elle devient folle s'entend... ah ah). Et de vouloir taxer les transactions, les dividendes du Cac40 etc...
Donc échec de cette première tactique qui a quand même eu comme résultat de voir le président de la France exploiter, instrumentaliser à des fins électorales, une crise douloureuse pour les peuples. Une crise qui n'est pas terminée et dont on peut se demander si Sarkozy ne souhaite pas qu'elle rebondisse juste avant les élections, histoire de pouvoir s'en servir encore.

Ensuite il y a eu l'entrée en campagne. Et elle a été colorée par la proposition de référendum sur le thème du chômage et de l'immigration. Les thèmes sont importants pour la suite mais on peut surtout retenir de ce début de campagne la mise en cause de ce qu'on appelle "les corps intermédiaires". C'est à dire nous tous quand nous nous réunissons, quand nous nous organisons.
En tant que corps intermédiaires, nous sommes donc des obstacles à la réforme. C'est vrai qu'il est bien plus facile d'embobiner le "peuple" que les corps intermédiaires. Il est bien plus facile d'organiser une campagne de communication pour endormir les gens que de négocier avec les corps intermédiaires qui les représentent. Ces entités qui justement servent à ce que les gens se regroupent et réfléchissent ensemble, créent une expertise qui les empêchent de se faire berner.
Tout pouvoir autoritaire veut se passer des corps intermédiaires. Surtout quand ils sont indépendants. Le pouvoir autoritaire préfère avoir un accès direct au peuple parce que le peuple, on peut lui faire peur. Les corps intermédiaires, c'est plus difficile.
Passons sur les thèmes de ces référendums, l'articulation du chômage et de l'assistanat entre autre.

Une entrée en campagne qui a donc été lue par tout le monde comme un appel du pied à l'électorat lepeniste. Suivi par d'autres appels du pieds sur la viande halal et le nombre d'étrangers qu'il faudrait diviser par deux.
Ça ne gène personne finalement, cette "droitisation" du discours. Ça ne gêne pas parce qu'on la considère comme étant tactique. "Il ne le pense pas vraiment, il dit ça pour récupérer les électeurs du front national".
Donc en fait ce ne sont que des mots. Ça ne porte pas à conséquence. Ça n'existe que pour les gogos. Donc ce n'est pas dangereux.
Eh bien je pense le contraire. Cette droitisation du discours est une autorisation pour un discours xénophobe voire raciste. Une dé-responsabilisation.
On pourrait nous dire (et on nous le dit) : et pourquoi pas ? Pourquoi toujours se censurer ? On le pense alors disons le ! Sinon ce sont les fascistes qui vont le dire. La gauche est naïve, angélique, elle se cache derrière un romantisme dangereux. Les mots sont tabous. Non ! On doit les prononcer ! Il y a un problème avec les arabes ! Disons-le !
On le pense alors disons le...
Comme si la vie en société n'était pas un combat entre ce qu'on pense et ce qu'on peut dire. Comme si la notion de contrat social ne reposait pas justement sur une censure permanente, une censure qu'on appelle : l'éducation.
Mais il est évident que cette droitisation du discours va dans le sens d'une déculpabilisation générale.

(entre parenthèse : oui il y a un problème avec l'Islam. Depuis que l'Islam est devenu politique. Ce n'est que depuis qu'existe l'islam politique qu'il y a un problème avec l'islam. Il n'y a aucun problème avec l'islam religieux. Comme il y aurait un problème si les juifs se mettaient soudain en tête - en Israel - d'obliger les femmes à se raser les cheveux et à mettre des perruques et que du coup, des activistes juifs voudraient faire de même dans les quartiers en France. De même qu'il y a de gros problèmes avec le christianisme quand des activistes perpétuent des actions anti avortement. Bref, la religion est un problème  quand elle devient politique)

Revenons à la déculpabilisation, ce crédo sarkozyste permanent. Car c'est la couleur du troisième temps de cette campagne. Il a été marqué par le grand mea Culpa tant attendu.
Il faudrait croire que le début du quinquennat  a été marqué par des erreurs de jugement dues à une situation personnelle difficile.
Si c'était vrai ça poserait un vrai problème.
Mais en plus c'est faux.
Si c'était vrai cela signifierait que Sarkozy n'était pas prêt. Il n'a pas compris la force des symboles. Et on peut quand même se demander s'il n'est pas dangereux de réélire quelqu'un dont la situation personnelle peut peser à ce point sur les décisions du président. On se prend à prier pour que le nouveau couple Sarkozy n'explose pas de nouveau en plein milieu d'un second mandat !
On attend de celui qui veut être président, justement, qu'il soit assez fort pour mettre sa vie privée de côté. Et pitié ! pour que son comportement et ses décision n'en soient pas tributaires !
Mais de toute façon, c'est faux.
Ces premiers actes du quinquennats étaient parfaitement maîtrisés. Ils participaient à cette entreprise typiquement sarkozyenne de déculpabilisation. Ici non face aux étrangers mais face à l'argent. Le comportement de Sarkozy à l'époque était calculé, assumé, il consistait à dire : pas de honte à être riche, à réussir. Arrêtons cette contrition permanente, cette honte de l'argent en France. Je donne l'exemple. La réussite est bonne. La fortune est bonne. Au lieu de pourchasser les riches, au lieu de les culpabiliser, faisons les revenir, aidons-les (paquet fiscal), envoyons leur des signes que la France a changé et qu'ils ne sont pas nos ennemis. Vous aspirez tous à être riches alors cessons là la mascarade de gauche.
C'était le discours du nouveau président. Ce n'était pas une erreur. C'était une idéologie.

Donc bilan : Instrumentalisation de la crise, mise en cause des corps intermédiaires en début de campagne, lepenisation du discours en général puis faux mea culpa enfin, sans compter la dramatisation personnelle de l'enjeu aujourd'hui mise en scène.
Sarkozy veut être réélu. Il le veut à n'importe quel prix.
Mais pourquoi le serait-il ? Pour continuer ce qu'il a fait ? Pour réparer ce qu'il a fait ?
C'est à Villepinte qu'il va nous le dire. Pourquoi il doit gagner. A part pour lui-même, s'entend.

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