24 novembre 2012

Möbius Journal de Post Prod 10


Semaine fiévreuse.
Elle a commencé dans une relative sérénité par une journée de Post-synchro avec CdF. Elle s’est terminée dans une fièvre créative insensée liée aux délais qui nous séparent de la sortie très proche (27 février).
Je craignais depuis le début que ces délais serrés nuisent au recul nécessaire au travail de post-production. Monter un film exige des temps de pause, de repos de l’esprit. Autant le tournage participe de la performance, autant le montage demande de la réflexion, de la sérénité, de l’air. On a besoin d’air. On a besoin de regarder le film avec des yeux neufs, après certains épisodes de construction. On a besoin d’air pour évaluer les modifications. On a besoin d’air pour digérer le sentiment des autres. Il faut se poser.
Pas trop non plus car le montage est aussi affaire de décision. Et la décision est toujours affaire de sacrifice. Qui ne veut sacrifier aucune potentialité ne saura mettre un terme au montage. On peut s’arrêter un an et revoir son film. On le changera alors du tout au tout. Et cela indéfiniment.
Le film est finalement une photographie de ce qu’on peut faire à l’instant donné. C’est le symptôme du moment.
Mais enfin il s’agit aussi de décider sous quelle forme on va l’offrir et c’est quand même bien de pouvoir un peu penser son film.

Donc on commence à mixer la musique : quatre jours, là aussi, pour mettre un terme quasi final à ce que sera la musique du film. Là aussi prendre des décisions lourdes de conséquence. Je me retrouve donc à Montreuil dans un minuscule studio avec Jonathan Morali et son ingénieur du son. Et là, on mixe, on modifie des sons, des temps, à l’image. J’apporte le point de vue de la mise en scène. Jonathan apporte le point de vue du compositeur et du musicien. Le temps imparti nous oblige à réfléchir vite, à décider vite. La couleur du film, son intensité émotionnelle est en jeu.
Pendant ce temps on cherche encore des « synchros » (ces musiques qui ne sont pas originales et dont on a besoin dans le film – musiques qu’on entend dans les différentes boîtes ou bar dans le film, musique d’ambiance mais pas seulement, elles ont souvent une fonction de musique de film). Le budget nous contraint à jongler avec les trouvailles, les désirs, les réalités. Ce n’est pas évident non plus.

Et voilà que, je ne sais pas pourquoi ni vraiment comment, nous avons soudainement au montage l’idée, le souhait d’essayer une sorte de révolution : changer le début du film.
Trop tard ! Le montage son a commencé, si on modifie quelque chose tout le monde va devoir suivre et personne n’a le temps ni le luxe de ça.
Mais quoi ? On va le faire quand même. On veut essayer. Un peu de temps a passé depuis la fin du montage image. Le travail sur la musique nous en a éloigné. Le recul nous a permis d’adapter notre point de vue. Il faut essayer.
Une projection est prévue ce dernier vendredi. Nous avons deux jours pour donner ses chances à cette révolution. Après ça sera fini. Pendant que je suis à la musique, Pascale Fenouillet, au montage, cherche les solutions pour concrétiser au mieux la nouvelle idée. Elle m’envoie les différentes versions par Internet, je réagis au téléphone, on travaille en parallèle, de la salle de montage au studio de mixage. Une ambiance de fou, de créativité fébrile. Je passe mes heures à écouter un morceau de musique en train d’être élaboré pendant que je réagis à une proposition de montage, pendant que j’écoute une nouvelle proposition de chanson pour telle séquence, pendant qu’à nouveau nous essayons un nouvel son sur tel morceau, pendant que je reçois une nouvelle version de la séquence, pendant que j’écoute encore six propositions de musique pour la séquence de boîte… bref.
On arrive finalement à la projection du vendredi. Je vais enfin voir le film dans sa continuité avec toutes les musiques originales mixées, les dernières modifications de montage, et la petite révolution que nous avons opéré dans la fièvre.

Projection émouvante. La musique vient soulever le film à des hauteurs encore jamais vues jusque là dans le processus de fabrication. Le nouveau début modifie l’entrée dans le film, modifie donc le sens des premières minutes et c’est une  surprise enthousiasmante.
Le film n’est plus seulement là mais il commence à s’imposer, massif.
Et je commence à y croire.
Jusqu’à la prochaine crise, bien sûr.

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