19 novembre 2012

Möbius Journal de Post Prod 9


Les teasers sont faits pour teaser.
Celui-là tease, à n'en pas douter.
Ce n'est évidemment pas moi qui l'ai réalisé ni conçu.
Je reste généralement en dehors du processus de commercialisation. D'abord parce qu'en l'occurrence je n'ai pas le temps et ensuite (et surtout) parce que je m'estime mal placé pour juger d'une bonne campagne de publicité. C'est d'une part un travail de professionnel et d'autre part je manque de recul pour apprécier la façon dont on doit vendre mon film.
J'ai évidemment du mal à regarder les bandes annonces de mes films en essayant de me mettre à la place du spectateur que je peux être.
Bref... 

Cette semaine nous travaillons la musique.
Nous étions en enregistrement la semaine dernière et maintenant nous sommes en mixage (de la musique).
Je participe à toutes les étapes de la post-production où la mise en scène peut encore intervenir, sur l’émotion ou sur la signification.
Je participe donc à toutes les étapes car nulle part il est uniquement question de pure technique. Des choix esthétiques et signifiants peuvent être faits. Des erreurs peuvent être commises également. C’est pourquoi je suis là.
La musique a une importance considérable à cet égard.
La musique colore les scènes, elle induit le sens de leur lecture. Etrangement elle agit autant sur l’émotion que sur le sens.
En terme d’émotion, elle appuie celle qui est créée par la scène. Elle a une fonction de modulation de l’intensité. Avec la musique on peut soit amplifier l’émotion soit l’émousser, selon le souhait. Il faut évidemment faire attention à ne pas trop l’amplifier car on peut tomber ainsi dans l’emphase voire le ridicule.
Mais la musique a aussi une fonction sémantique. Elle induit la lecture d’une scène, elle appuie ou même crée le point de vue.
Imaginez la scène dans « Orange Mécanique » où la bande se bat au bord du canal. Si la musique avait été à ce moment celle d’une scène d’action, le sens aurait été très différent. La musique de cette scène apporte un décalage extraordinaire et impose du coup une lecture.
L'affirmation d'un film passe aussi et quelques fois surtout par la musique.

Il faut donc parler avec le compositeur du point de vue qu’on désire exprimer sur les scènes. Ce qui n’est pas toujours évident. Il n’est pas facile de savoir exactement ce qu'on veut dire, avec quelle orientation et quelles nuances apporter.
C’est pourquoi le dialogue avec le compositeur est un des plus profonds que l’on puisse avoir, il porte sur l’âme même du film, son sens, sa puissance dramatique. On est obligé de rendre compte avec exactitude de ce qu’on veut exprimer, quelques fois en termes très flous, très abstraits voire poétiques. On se pose alors des questions inédites et on doit parfois adopter un langage très imagé, ou très intellectuel.

La musique appuie l'affirmation, impose une perspective et souvent, à la faveur du montage d’une musique, on découvre littéralement le point de vue exigé soit par la narration soit par l’émotion. La musique permet de découvrir les potentialités émotionnelles et sémantiques de son film. C’est une sorte de révélateur.
Il y a donc de lourdes décisions à prendre en tenant compte du risque de « tuer » une scène à cause de la musique, ou d’influer sur la continuité en imposant une lecture qui peut modifier le reste de l’histoire.

Là on parle de la composition, de l'enregistrement, mais, et c’est le sujet du moment, ça se joue aussi au mixage de la musique. La couleur de tel instrument ou son niveau peut en lui-même être signifiant.

On peut tout laisser au hasard. On peut aussi décider de maîtriser au maximum les éléments qui vont intervenir sur le sens. C’est ma façon de faire. La mise en scène passe aussi par la couleur du son d’une seule note de piano.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire