18 avril 2012

Du refus de choisir

Alors donc il y a des gens qui ne sont pas contents du choix qu'on leur propose.
"On"... la vie, le sort, le système, les politiques...
Difficile de savoir à qui exactement imputer cette malchance.
On peut d'abord désigner les partis politiques. Après tout, primaires ou non, c'est eux qui ont choisi leur candidat. On peut en vouloir à l'UMP d'avoir, le doigt sur la couture du pantalon, suivi leur "leader" sans avoir critiqué la pertinence de ce choix au regard de son bilan et de son impopularité. Nulle doute qu'en cas de défaite, les critiques tomberont comme des hallebardes mais ça sera trop tard et bien peu courageux. On peut en vouloir au PS d'avoir organisé ces "primaires citoyennes". Quoique dans ce cas, quand même, tout le monde pouvait voter. Du coup on ne peut plus en vouloir qu'aux électeurs d'avoir fait le mauvais choix, en vouloir donc à la démocratie. Quand on est mécontent du résultat d'une élection, on peut effectivement considérer qu'il est inutile de voter. "Ils votent toujours contre moi" pourrait-on se dire, "ils ne sont jamais d'accord avec moi", d'où un vrai découragement. "ils désignent toujours celui que je n'aime pas !". Mauvais perdants... et surtout grosse amertume d'être toujours à la marge. Je comprends. C'est un peu comme les artistes maudits. Il y a une vraie jouissance possible d'être ainsi seul contre tous.
On peut en vouloir au Verts... Quoiqu'ils nous aient habitués à faire des choix extravagants. Mais là... ils ont fait fort. C'est vrai qu'un électeur potentiellement écologiste peut avoir un sacré coup de blues devant la représentante qu'on lui a imposé.
J'arrête là. Les partis ont désigné leur candidat, d'une manière ou d'une autre, et on peut effectivement les tenir responsable de l'offre politique globale.
On peut aussi accuser le sort. Le sort a voulu qu'aucun homme politique d'envergure, charismatique, ne soit là au bon moment. Dommage. On aurait aimé un Mitterrand, un De Gaulle bien sûr, un Strauss Kahn... Non pas un Strauss Kahn.
Un père quoi, voire un Tonton. Une figure de chef de famille, protectrice, supposée savoir.
La faute à pas de chance, la vie ne nous en a pas dégoté un.
Il faut dire que la situation ne s'y prête pas. C'est vrai qu'il y a la crise économique mais elle n'est pas assez présente et tragique en France pour qu'une figure charismatique se lève. Ce sont les crises qui révèlent les grands hommes. Pas de crise, petits hommes. Ou homme normal. En revanche, une guerre, une récession majeure, un coup d'Etat... le Grantome apparaîtra. Il n'attend que ça. Mais ce Grantome là n'a que faire des périodes de calme, hors des crises, ses ailes de géant l'empêche de marcher.
Alors oui, pas de Grantome, c'est dégueulasse ! "Qu'ils se débrouillent sans moi alors !" C'est tout juste si on n'en vient pas à souhaiter une bonne guerre.

Ce qui est étrange tout de même, c'est que la frustration devant l'offre entraîne un refus de choisir. Comme si, par exemple, un soir, on avait le choix entre manger des pâtes au beurre pour la énième fois ou aller au restaurant et dépenser le peu d'argent qui nous reste et que devant ce choix pourri, on s'abstienne simplement de manger.
Pourquoi la pauvreté supposée de l'offre entraîne-t-elle le refus de choisir ?
Nous avons les romantiques. Probablement jeunes. Ceux qui veulent le parfait, le rêvé, l'idéal. Pas d'idéal ? Alors rien ! Ceux-là vivent dans un étrange monde qui n'est ni plein ni vide et entre le rien et le tout ils traversent une existence constamment frustrante. Le retrait du monde en est une conséquence, ce qui n'arrange rien. Il y a les révoltés bien sûr, romantiques eux aussi, qui sont vexés de ce que leur préférence ne soit pas plus populaire. Ceux-là, on l'a dit, jouissent de la marge et en pâtissent aussi.
Il y a les indifférents. "Tous pourris" ou "tous médiocres" ou "tous menteurs" ou "tous impuissants". Pourquoi choisir ? En fait on ne sert à rien. Ça, c'est l'abstention dépressive.

Alors entre l'abstention et le vote blanc il y a cette différence que la frustration s'exprime ou non. Il n'empêche que dans les deux cas cette frustration entraîne le refus de choisir.

La vie est mal faite. Elle propose souvent voire tout le temps des choix entre des options imparfaites. Ah si on pouvait décider de l'offre ! Mais non, on se heurte à un monde. L'objet objecte. Nous ne sommes pas Dieu, nous sommes fini et un monde nous est donné. Quelle misère !
Dans ce cas, on ne choisit pas ! L'offre ne nous plaît pas ? On s'abstient. Laissons aux autres la bassesse de choisir entre la peste et le choléra. Et puis comme ça, au moins, au saura à qui s'en prendre.

Je n'aimerais pas avoir un de ces abstentionnistes (qui englobent pour moi le vote blanc) comme patron, comme responsable, comme guide, comme chef d'équipe. Avec eux on risque de se retrouver à chaque fois paralysé. Incapable de trancher, de décider, de sacrifier, bref de choisir, ils sont des éternels suiveurs, des suiveurs non assumés qui plus est, des suiveurs frustrés, refoulés.
Ils sont égarés parce qu'ils n'ont pas de père politique, de figure imposante, ils n'ont pas d'idole.
Moi, je n'ai pas besoin d'un père aujourd'hui en politique. Ni d'un oncle, ni même d'un grand frère.
j'ai juste besoin de quelqu'un qui d'abord veut faire le job, ensuite est capable de le faire et ne risque pas de me jeter dans le précipice. Si en plus il peut faire deux trois choses qui apaisent les plaies de la société et donc les miennes, tant mieux.
C'est moi qui suis un père aujourd'hui. Quand il y a une décision à prendre pour mes enfants, je la prends et je leur explique en quoi elle est la moins pire. Mais surtout, je ne m'abstiens pas. Car quand je m'abstiens, tout le monde le sait, en fait je me laisse imposer un choix. Toujours. Et pas obligatoirement le meilleur.
Souvent, quand il s'agit de choisir, le temps est compté. Et le refus de choisir a des conséquences car la vie, elle, ne s'arrête pas
C'est vrai que c'est douloureux de choisir. C'est vrai que parfois on n'a pas envie de cette douleur en plus. On a envie de fuir en courant sans se poser de question.
Mais il faut alors savoir ce qu'on fait, avec qui on le fait, de quel côté on se trouve et ne pas se raconter d'histoire.
Ne pas choisir lors de l'élection présidentielle c'est tout simplement s'en remettre à l'autre, pour mieux s'y soumettre puis le détester. C'est être un enfant, avec toute la nostalgie de douceur et d'irresponsablitité que cela implique. Ce n'est pas mal. Ce n'est pas glorieux non plus.

09 avril 2012

Sans langue de bois

Nicolas Sarkozy

Je suis libéral. je voudrais qu'on arrête avec tous ces carcans absurdes et contre-productifs. Le chômage par exemple est un problème. Le seul moyen de le traiter : faire en sorte que les entreprises embauchent. Pour ça, il faut qu'elles puissent licencier facilement, et qu'un emploi leur coûte moins cher. Il faut donc diminuer les charges sociales. Ça veut dire moins de recette pour l'Etat. Ça veut dire que l'Etat doit s'occuper de moins de choses. Ça tombe bien, je pense que l'Etat s'occupe mal de l'éducation, de la santé, des transports, bref. Il faut le réformer, réduire son champ d'intervention. Moins de fonctionnaires, un meilleur fonctionnement. L'Etat c'est comme une entreprise. C'est même comme un foyer.
De toute façon la crise aujourd'hui nous oblige à revoir notre budget de fonctionnement. De deux choses l'une : ou on fait des économies, ou on crève. Et comme on gère mal notre budget depuis si longtemps, empêtrés dans des habitudes obsolètes et romantiques, profitons de ce que la crise exige de nous pour nous réformer et moderniser la France.
Le problème c'est que la France n'est pas libérale. Elle ne veut pas du libéralisme. Et c'est vrai que le passage au libéralisme est douloureux. On peut imaginer que ça sacrifie une génération. Celle qui ne pourra pas s'adapter. Mais c'est la seule solution. Sinon, on va rater le train mondial. On va ralentir quand les autres accélèrent. je ne veux pas de cette dégénérescence. Parce que celle-là, elle sera autrement plus cruelle. Alors j'essaie.
Je sais que les français tiennent à leurs acquis sociaux, à la sécurité sociale, la retraite par répartition, l'école publique, l'assurance chômage. Moi aussi j'y tiens, bien sûr. Le problème c'est que ça ne tient plus. Le monde a choisi son camp. Et maintenant on a un choix simple : prendre ce train ou changer le monde. Je ne crois pas qu'on puisse changer le monde. A chaque fois qu'on a essayé ça a entraîné une catastrophe humaine. Non, on ne change pas le monde. On s'adapte en essayant bon an mal an de ne pas trop subir.
Ce sont mes convictions. On peut être contre. Et d'ailleurs tout le monde est plutôt contre. Je dois vendre ce programme. Pour le vendre je dois un peu le cacher et un peu le travestir. c'est normal. La démocratie est devenue ce jeu là. Nous sommes des commerciaux de la politique. Et je suis bon à ce jeu.
Mais je suis bêtement convaincu qu'on n'a pas le choix. Tout le reste n'est que déni de la réalité, romantisme dangereux. C'est fini l'Etat qui s'occupe de tout. L'histoire a montré qu'il s'en occupe mal. Il faut faire confiance en l'individu. Alors oui, ça peut être sauvage. Et l'Etat doit justement veiller à interdire la sauvagerie. Ce n'est pas facile, mais c'est l'évolution sociale. Il y a des soubresauts. Des crises. Mais c'est le sens de l'histoire. Et c'est ce qu'il y a de moins douloureux en fin de compte.
Alors quand je suis au pouvoir j'essaie d'avancer dans cette direction. Je suis parfois obligé de ralentir, de revenir en arrière, mais c'est une tendance. J'agis par petites touches. On peut me reprocher de ne pas y aller franco. Maintenant que je brigue mon dernier mandat, je vais peut-être y aller un plus plus fort. Mais je ne peux pas le dire. Parce que la France a peur, elle est timorée et je la comprends. Il y a beaucoup de gens qui souffrent. Alors je me cache un peu. Je suggère quelques trucs (passer outre la rigidité des syndicats qui eux aussi doivent vendre leur salade). Je vois si ça hurle. Quand ça hurle je fais machine arrière. Mais j'essaie quand même. J'essaie de convaincre la France que c'est le seul chemin. Vers quoi ?  Je ne dis pas la prospérité, la modernité ou des trucs un peu emphatiques comme ça. Non, juste s'opposer au dépérissement. J'ai vu l'Argentine, j'ai vu la Grèce. je ne veux pas ça pour la France. Ça fait longtemps que je le pense et que je le dis. je n'ai pas attendu la crise. Aujourd'hui ça devient plus visible. J'en profite mais c'est normal. On ne m'a pas trop entendu jusque là. Si on pouvait un peu plus m'entendre grâce à la crise, quel est le crime ? Quand il s'agit de sauver quelqu'un de malade, à un moment, tous les moyens sont bons. Et s'il faut lui faire un peu de mal, je n'hésite pas. Je suis comme ça. C'est ma qualité et cette qualité, on en a besoin aujourd'hui.

François Hollande

La gauche est morte à Maastricht. On n'a pas trouvé comment faire depuis. Le monde a choisi son système. Ce n'est pas le socialisme. C'est l'économie de marché. Et la loi du marché est rendue encore plus fluide avec la mondialisation. Alors la gauche... je ne sais plus ce que c'est, je ne sais plus ce qu'elle peut faire. On n'a pas réussi à trouver une solution réellement de gauche à la mondialisation. On dit : on change tout ou... ou quoi ? Je ne sais pas. D'ailleurs pourquoi je saurais ? Pourquoi je saurais résoudre une équation intellectuelle aussi difficile ?
Pourtant je sais qu'il y a un problème avec cette économie de marché et cette mondialisation. Quand je vois les chômeurs et surtout les travailleurs pauvres, il y a un truc qui me dérange. Quand je vois qu'aux Etats Unis, des vieux de plus de 65 ans sont encore debout à la caisse des super marchés pour faire les paquets, je suis quand même perplexe. Mais honnêtement, je n'ai pas de solution.
Quand je vois qu'il y a de plus en plus de gens par terre dans les rues des villes, littéralement par terre, je me dis quand même qu'il y a une fatalité qu'il faut refuser.
Alors j'essaie. J'essaie d'être de gauche. Non pas celle qui veut changer le monde, changer l'Europe et qui va mettre juste 100 ans à le faire. Non, celle qui veut essayer de tendre la main à ceux qui n'y arrivent pas. Ce ne sont pas des assistés, non. Ce ne sont pas des fainéants ou des profiteurs. C'est quand même dégueulasse de dire ça. Ce sont des gens à qui on demande beaucoup et qui n'ont juste pas les moyens d'y arriver. Et ce que je trouve incroyable c'est que c'est la société qui les a créés. Ils sont nés quelque part dans la société. Leur place leur a été préparée. Et on leur demande maintenant de s'en sortir tout seul. Il y a de l'injuste absolue dans cette situation. C'est pourquoi je pense que la société a le devoir de s'occuper des inégalités qu'elle crée elle-même.
Oui je sais que la droite pense que le monde repose sur l'inégalité. Oui il y a des différences de talent, de moyens, d'envie. Mais là on ne parle pas des différence naturelles. On parle des différences sociales, des inégalités créées par la structure sociale et même le politique. Celles-là, on doit les traiter, les compenser.
L'égalité des chances c'est ça. ce n'est pas de mettre hypocritement tout le monde sur la même ligne de départ. Désolé, ça ne peut pas être ça. Il y a des handicaps et il faut en tenir compte. Sinon, on assume d'être injuste voire cruel. Mais alors il ne faut pas s'étonner que cette violence faire aux gens nous revienne en boomerang.
Alors qu'est-ce que je peux proposer ? La justice. Je peux essayer simplement de la garantir. Oui il faut prendre le train de la mondialisation. Mais je ne me résous ni à sacrifier une génération comme Thatcher a pu le faire ni à ce que ça se fasse au détriment des habituelles victimes.
Pas facile d'assurer cette justice et en même temps de ne pas ralentir le mouvement. Non, et je dois dire que je n'ai pas beaucoup de solution. Je dis simplement : des efforts oui, mais mieux répartis. Et puis des efforts, oui mais pour quoi ? Je donne un sens. On en fait ce qu'on veut. Mais au moins je donne un sens : la jeunesse. La génération suivante. Je sais, je ne suis pas très précis. Il faut dire que la conjoncture est franchement indécise si ce n'est hostile.
Alors on me reproche de ne rien dire des économies à faire. Pourtant je le dis à chaque fois : partout ailleurs que dans la police, la gendarmerie et l'éducation. Mais où ? Partout ailleurs. Maintenant si je dis où tout le monde va me tomber dessus. Je ne vais pas me tirer une balle dans le pied quand même. Mais au moins, je dis où je n'en ferai pas.

Nous sommes des marchands. Nous mentons, nous exagérons et on sait, ce n'est pas glorieux.
Franchement on a quelques convictions, on a une vague idée de la situation et de ce qu'il faudrait faire. On a une histoire chacun, des traditions. Bon, on essaie de ne pas en être trop prisonniers et en même temps elles nous donnent un cadre d'analyse. On n'est pas si sûrs de nous. Et on doit avouer que le débat avec l'adversaire pourrait nous aider à y voir plus clair nous-même. Mais le monde médiatique nous oblige a respecter les règles du spectacle.
On n'est pas d'accord, ça c'est sûr. Mais au fond, on n'est pas très très loin l'un de l'autre. L'un de nous a une tendance libérale, une petite tendance à accepter la souffrance inéluctable d'une partie de la société mais propose d'épouser un mouvement et de s'en sortir en assumant ce mouvement. L'autre n'est pas opposé à ce mouvement. Il aimerait bien que ça se fasse sans trop de douleur. Il ne sait pas comment. Il n'a pas la solution, mais il essaie. Au risque de perdre en efficacité. c'est ce que l'autre lui reproche ; à force de tergiverser, on va rater le train. Et là, ça va faire vraiment mal. Vous êtes toujours comme ça, la gauche, vous avez des bons sentiments et à la fin tout le monde trinque. Non, dit le premier. Ce n'est pas ce que je propose. Je propose juste de faire gaffe. Eventuellement de réfléchir sur le train lui-même. Mais je suis d'accord pour le prendre. Mais pas à n'importe quel prix parce que sinon ça n'a pas de sens.

Au fait c'est vrai : la mondialisation d'accord, l'économie de marché, d'accord, les sacrifices d'accord, mais pour quoi ? Pour faire quoi ? Pour aller où ?
Eh bien nulle part ! Depuis quand on va quelque part ? Ce qu'il faut c'est simplement ne pas trop déguster. Ne nous racontez pas d'histoire, les gars.