09 février 2013

Möbius Séquence par séquence 1

La bataille de l'ouverture 
Séquence 1 

La première séquence du scénario a été l'objet d'une terrible bataille au montage, une lutte âpre et longue qui a pu tourner au conflit et qui s'est soldée par le déplacement de la séquence. Le film devait commencer par elle et nous avons défendu le scénario jusqu'au bout.
Puis nous avons cédé : elle n'ouvre plus le film.


Voici la séquence telle qu'elle figure au scénario :


Le début d'un film représente toujours un enjeu important et particulièrement aux yeux des producteurs. Les spectateurs vont-ils rentrer dans le film ? Quand ? Comment ? A quelle vitesse ?
Le montage du premier quart d'heure est toujours l'objet de discussions tendues, passionnelles.
Möbius n'a pas été une exception.

La séquence était un peu bavarde et très vite nous avons coupé du dialogue au montage pour n'en garder que l'essentiel. C'était un parti pris de scénario de commencer de cette manière énigmatique, en vendant un peu la mèche mais pas tant que ça puisque de toute façon on n'était pas sensé comprendre de quoi ils parlent.
A l'écriture du scénario j'ai longtemps cherché la meilleure place pour cette séquence.
Il s'agissait de mettre les américains dans la boucle le plus tôt possible afin de dire tout de suite que cette histoire est plus large qu'elle en a 'air.

Nous avons longuement cherché une "villa New Jersey" en Belgique, là où la configuration des co-productions et du plan de travail nous obligeaient de tourner. Nous avions une seule journée pour tourner cette séquence ainsi que la séquence 16 qui se déroulait dans le même décor.
C'était trop peu. 
Il n'était pas du tout évident de reconstituer l'ambiance américaine dans une de ces villas en Belgique et les moyens donnés au chef décorateur étaient très limités. Il a fait ce qu'il a pu et la villa était ce qu'elle était. Bref, le décor remplissait sa fonction sans que ce soit extraordinaire. Pas terrible pour commencer un film...
J'avais prévu un plan de grue - commencement du film oblige - mais la météo très défavorable m'a empêché de le faire. La séquence d'ouverture avait donc encore moins d'envergure.
J'étais très heureux de tourner avec Wendell Pierce et John Scurti (respectivement héros de "The Wire " et de "Rescue Me". Ils ont été très attentifs, très gentils et très professionnels. Et très drôles aussi, détendus mais sérieux. Un vrai plaisir.




Mais le temps qui manquait et les mauvaises conditions météo qui nous freinaient ne m'ont pas permis de faire aussi bien que j'aurais voulu. Je sentais que la séquence serait un peu plate, filmée sans grande inspiration. Je devais la finir. Je devais la livrer. Et je ne pouvais pas trop faire plus.

Au montage pendant très longtemps cette séquence est restée à sa place, c'est à dire en pré-générique suivie, après la phrase : "Monaco, Ivan Rostovski, the russians...", par les plans d'hélico au-dessus de Monaco. Cette réplique est d'ailleurs restée dans la bande annonce, mais elle n'est plus dans le film.

En effet, à chaque projection, la production faisait pression sur Pascale Fenouillet et moi pour que nous commencions le film autrement (certaines propositions alternatives nous semblaient grotesques). Nous refusions systématiquement. Au scénario, ça fonctionnait  et même si la scène n'était pas aussi brillante qu'il aurait fallu pour une scène d'ouverture, on aimait bien commencer par cette sorte de "choeur". C'était un flash-forward utilisé de façon un peu perverse. C'était aussi un hommage à une scène de "Prince of New York" de Sydney Lumet. On aimait cette façon un peu bonhomme, anodine de commencer l'histoire.

Puis finalement, une fois la tension retombée, alors que le montage image était terminé, alors que j'était en train d'assister au mixage de la musique avec Jonathan Morali, j'ai appelé Pascale et lui ai demandé d'essayer de déplacer cette séquence. Il fallait essayer pour voir puisqu'on nous le demandait. Il fallait du coup la monter différemment. Pascale a travaillé dessus dans son coin puis m'a envoyé le résultat au studio de mixage.

J'ai du admettre que le début du film était plus impressionnant (directement avec les plans de Monaco). Mais le remontage de la séquence et son déplacement à la suite de la séquence 15 amenaient de nouveaux problèmes.
Nous avons néanmoins décidé de valider ce changement de dernière minute, à la joie de tous ceux qui nous le demandaient (et ils étaient nombreux). C'est probablement une des choses qu'on regrettera.
Certaines décisions comme ça se font sous la pression du temps et de la date de sortie.
Mais ces décisions se prennent aussi en fonction d'un ensemble. J'avais en fait d'autres fronts à tenir qui nous semblaient plus essentiels même si celui-là n'était pas annexe. D'autres moments du film ont été l'enjeu de grosses discussions. Il fallait lâcher là où notre conviction n'était pas de 100%. C'est ce qu'on a fait.
Un début plus fort, c'est vrai, du moins plus percutant (gros concept aujourd'hui, la percussion !).
Une petite entorse au scénario. Des conséquences narratives certaines assumées au nom de l'efficacité.
De grosses tensions.
C'est l'histoire de la séquence 1.

La séquence 1 a été tournée entre le jour 23 et le jour 30.
Je n'ai pas tweeté le jour du tournage de cette séquence. J'avais interrompu l'exercice à cette période.


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