31 mars 2013

Möbius Séquence par Séquence 8

Séquence 14-15
L'insert du rebondissement


A la faveur du montage, des inversions de séquences et des coupes, le premier rebondissement survient dans le film au bout de dix minutes. Dans le scénario, en suivant le principe de la moyenne d'une minute par page, il arrivait au bout de 15 minutes. 
Accélérer la mise en place, pour arriver plus vite au coeur du sujet : le coup de foudre. C'était toujours le même crédo du montage, suscitant tensions et angoisse.
Le défi de mise en scène a reposé, lui, sur la qualité des inserts.

Ce plan n'a pas été tourné le Jour 5. Il a été tourné quand nous étions à Monaco, quelques jours plus tard.


















Voici le texte des séquences. En bleu : Ce que j'ai écrit quelques jours avant le tournage pour permettre à CdF d'avoir plus de choses à dire au besoin. Tout le texte n'a pas eu besoin d'être monté (ni même tourné je crois, je ne m'en souviens plus).




A ce stade il est intéressant de comparer le scénario et le film au niveau narratif.
Lorsque le rebondissement intervient, que savons-nous à la lecture du scénario ?

- Des américains, dont on devine vaguement qu'ils travaillent dans le renseignement ("Un de nos agents en Europe..."), sont impliqués dans l'histoire (puisque c'est eux qui la racontent. Cf. Séq. 1). On ne sait pas comment, on sait juste qu'ils sont là.
- Moïse dirige une équipe d'agents russes (dialogue en russe à la fin de la séquence 4) qui a pour mission de recruter Alice afin qu'elle espionne son employeur Ivan Rostovski (Rostovski est cité une fois seq. 1 par  John Scurti/Honey et ensuite séquence 3 pendant la répétition : "vous savez qui est Ivan Rostovski...")


Que savons-nous à la vision du film, après les coupes au scénario ?
- Une équipe dirigée par Moïse veut recruter Alice pour espionner son employeur. Sa banque a l'air de faire du blanchiment
- Il s'agit plutôt de la police monégasque (Sandra présente sa carte au sauna) bien que le marketing du film aura prévenu que Moïse travaille pour le FSB mais c'est une information extra-cinématographique. A ce stade, le film ne le dit pas. 






Dans les deux cas, la séquence 15 se termine sur l'amorce d'un rebondissement : Alice travaille déjà pour un service de renseignement. A cet égard, le texte du mot qu'elle remet au psychanalyste est éloquent : "On a essayé de me recruter, instructions ?"
C'était le texte que j'avais écrit en français. Il a fait l'objet de la traduction suivante :

"They tried to recruit me, instructions ?"

La traduction ici me semblait très délicate. L'information était très elliptique. Il était même possible que seuls des familiers des romans d'espionnage ne puissent la comprendre. En écrivant un mot alors qu'elle est en train de parler au psychanalyste on suggère clairement qu'elle fait passer une information secrète. Pourquoi ? Ont-ils peur des micros éventuels ? C'est possible. Un agent infiltré en territoire étranger doit pouvoir communiquer avec ses patrons sans que personne ne le soupçonne. A l'ère de la surveillance électronique, cette communication simple et concrète est probablement la meilleure solution. Passer par un psychanalyste dont on peut estimer qu'il travaille aussi pour la CIA, comme "boîte aux lettres", est la meilleure des couvertures.

C'est vrai que couper la séquence 1 permet au rebondissement d'être encore plus pur. Aucun américain à l'horizon, rien ne nous prépare à cette nouvelle inédite selon laquelle Alice travaille déjà pour les américains. On n'en est pas encore là. A ce stade le film ne dit qu'une chose : Alice n'est visiblement pas que trader dans une banque russe.

SI "Möbius" était une série, c'est ce qu'on appellerait un Cliffhanger : une fin d'épisode ouverte sur une nouvelle question qui va tout bouleverser.


La mise en scène de cette séquence (et d'une autre dans le même lieu qui a été coupée au montage, nous en reparlerons), ne m'a pas posé de problème si ce n'est que nous n'étions pas en studio. J'aimais beaucoup le décor, avec tous ces objets, mais je ne pouvais pas mettre ma caméra derrière car la pièce était petite et les murs non amovibles. On remarquera les amorces à droite de l'image au-dessus. des machins que j'ai placés comme ça devant la caméra histoire de donner un peu de relief. La caméra ici était coincée dans l'encadrement de la porte ouverte, à moitié dans le couloir, afin d'avoir le plus de recul possible et d'allonger la focale au maximum.

C'était je crois le deuxième jour de tournage avec Cécile. Elle m'a réellement épaté. Faire tous ces gestes précis tout en disant ce texte de couverture... je l'ai trouvée déjà là, avec moi, à la hauteur, belle et précise. J'avais la scène. C'était agréable.

Au niveau des défis de découpage, cette séquence et la seconde qui exploite encore plus l'idée du petit carnet sur lequel on écrit des mots, ces séquences reposaient sur la qualité des inserts. Les inserts sont des plans sur des objets. Là il s'agissait de filmer les mots qui s'échangent. Faire de beaux inserts, lisibles comme tels, n'est pas évident. Quelle grosseur ? Sur quoi centrer l'image, sur quel élément signifiant ? Qu'est-ce que ça doit dire ? Qu'est-ce qu'on doit regarder exactement ? Peut-on y ajouter une certaine poésie visuelle  (syndrome de la nature morte), bref... les inserts, on les fait toujours en fin de journée, quand les acteurs ont terminé et c'est une erreur. Les mouvements doivent être parfaitement raccord pour pouvoir monter ces inserts. Donc les acteurs doivent rester pour les faire et se rappeler de leurs gestes quand on tournait la scène. Ils doivent au mieux reproduire le geste pour que l'insert soit montrable.

C'était donc des séquences d'inserts. A la fin, il n'en reste qu'un mais pas n'importe lequel.





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