04 mai 2016

LBDL S2 Livraison-évaluation

Hier j'ai visionné et validé les derniers VFX de l'épisode 10. L'épisode devrait être livré ce soir au diffuseur. Ça devient chaud. Les 10 épisodes doivent être disponibles en téléchargement je crois dès le lundi 9 mai. Soit dans moins d'une semaine. Pas de panique, l'année dernière c'était comme ça aussi.
Donc lundi ça sort. Les deux premiers épisodes sont diffusés sur la chaîne et les dix épisodes disponibles en téléchargement.
La presse commence à sortir. Elle est bonne.

Nous planchons sur les épisodes de 5 à 8 de la saison 3. Nous fonctionnons par ligne narrative. Il y a plusieurs lignes. Certaines concernent des personnages, certaines concernent un thème. Je n'en dirai pas plus pour ne rien spoiler de la saison 2 qui va sortir.

Quelle est la différence avec le cinéma ? Il n'y a pas cette angoisse lamentable liée à la "séance de 14h". La séance de 14h où le nombre de spectateur donne par extrapolation quasi certaine le nombre final. Vous faites 2500 vous savez que vous irez au million ou au-delà.
Vous faites 300 et vous êtes mort.
En une séance tout se joue. Bon film ou mauvais film, c'est joué comme ça.
Et on en oublie la question principale (et abyssale) : Ce que j'ai fait, est-ce c'est bien?
Est-ce que c'est bien ? Les chiffres sont là pour écraser masquer, supprimer cette question bien plus angoissante que celle de savoir si "ça marche".
Est-ce que c'est bien ? C'est la question qui vous concerne, celle qui vous plonge dans l'abîme. La seule qui vous intéresse au bout du compte et la seule à laquelle vous n'aurez pas de réponse.
Les chiffres, eux, ils parlent au moins. Ils ne disent rien mais ils parlent.

Les chiffres...
Les gens s'intéressent beaucoup plus aux chiffres qu'avant. Des gens qui ne sont pas du tout dans le cinéma me demandent souvent si "ça marche".
C'est une question que je me posais pas du tout quand j'étais plus jeune, quand j'étais étudiant à la l'IDHEC.
Il y a avait les films commerciaux (parmi lesquels on rangeait "Le Parrain ou "Voyage au bout de l'enfer") qui pouvaient être néanmoins des chef-d'œuvre et les films disons d'art et d'essai. Je ne dis pas film d'auteur car évidemment Cimino était un auteur.
Les films commerciaux marchaient ou pas on s'en foutait. Ça n'était pas une question pertinente.
Maintenant c'est devenu important pour tout le monde (alors qu'en réalité tout le monde s'en fout).

Nous somme à l'ère de l'évaluation.
Je suis toujours sidéré de voir les petits slogans du genre "le meilleur film de l'année" ou "le meilleur film de machin depuis 10 ans".
Ça devient même complètement absurde maintenant. On se retrouve à lire : "le meilleur film français de cette fin d'année"...
Ou "la meilleur comédie française de la semaine" (quand il n'y en a qu'une)
La critique s'inspire maintenant du commentaire sportif. C'est la compétition permanente.

Comble de la compulsion à l'évaluation. On ne critique pas un film on l'évalue. D'où cette hémorragie pitoyable de petites étoiles pour noter les films dans les blogs, les articles des critiques en herbe ou non. Chacun y va de sa note. Comme si le fantasme de tous ces gens qui se précipitent pour écrire sur les films ou les séries étaient celui de l'instituteur. "Celui-là je l'ai sacqué, je lui ai mis 1/5, et là je mets 4 étoiles !"

Epoque de l'évaluation... Liée à l'époque de l'algorithme. De l'encartage. Il faut pouvoir trier, sérier, organiser. Si on ne peut pas en faire l'algorithme on ne peut pas le ranger, le chercher, le retrouver selon des critères. Alors on tagge les articles, on note les films.
C'est du Facebook. Une personne doit bien se résumer à son profil : Ce qu'il aime, ce qu'il n'aime pas, ses amis, ses relations, ses itinéraires, ses recherches, ses clics. On encarte ça, on le rentre dans l'algorithme, on l'ordonne et du coup c'est transmissible, vendable, ça a un prix. C'est même évaluable.

Nos critiques ne savent pas à quoi ils participent quand ils notent un film. Il n'en veulent rien savoir. Ils participent de l'époque de l'évaluation. Donc celle de l'ordre, du rangement et de la vente. Tout est en ordre, tout est vendable.

Première action éthique : ne pas noter. Ne pas évaluer. C'est un geste de résistance. Revenir au sens. Au sens non évaluable, juste analysable. C'est plus compliqué, c'est plus lent, et c'est surement inutile.
Et c'est ça qui est sain.

Bref...
Je m'égare j'imagine. Bientôt la livraison, donc bientôt la plongée dans le monde de l'évaluation.
Je vais compter les petites étoiles...
Mais je ne saurai pas (avant longtemps) si c'est bien.